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Gens de Chez Nous

Le retour de la pêche sur le quai de Pointe-au-Pic et vieux souvenirs

La Malbaie

Ven. 8 juillet 2022 4 minutes

Le retour de la pêche sur le quai de Pointe-au-Pic et vieux souvenirs
Le retour de la pêche sur le quai de Pointe-au-Pic et vieux souvenirs

Depuis que le quai de Pointe-au-Pic est de nouveau accessible, le secteur semble sortir de son marasme de plus de 20 ans avec des allures Guantanamo. Il fut un temps lorsque Jean-Luc Simard était maire de La Malbaie, dans un geste d’éclat je voulais m’enchaîner à la clôture barbelée pour réclamer note quai. Souvenons-nous que si le quai était fermé c’était qu’en cas de tremblement de terre de plus de 6 quelqu’un aurait pu tomber à l’eau. Il y eut une première réparation qui s’est autodétruite en l’espace de quelques marées.  


Et on était partis pour une autre fermeture de quelques années. Restait la jetée qui compensait un peu pour les gens qui aiment s’avancer dans le fleuve pour constater la force des courants. La jetée n’offrait pas un ‘’spot’’ idéal pour la pêche à la ligne. On y a vu quelques courageux pêcheurs, mais jamais un poisson sortir de l’eau. L’endroit pour faire de vraies pêches étant maintenant la Rivière-Malbaie près du pont ou on peut sortir des saumons et des truites de mer impressionnantes.


Photo Le Charlevoisien

Et le nouveau quai fut, un peu spécial avec sa surface gazonnée, mais enfin on avait accès. Assez pour faire remonter les souvenirs des centaines de pêcheurs les soirs  d’été avec les fanaux. Ça mordait à marée haute. À marée basse c’était le temps de relaxer en prenant une ou douze bières avant le retour des flots. Il y eut des pêches miraculeuses, tous les jours avec Ti-Jean Basile (Villeneuve) et sa perche à 12 hameçons qu’il remontait souvent bien remplies d’éperlans. Ti-Charles à Tréflé (Bergeron) se promenait en sirotant sa Labatt 50. Nous les jeunes de Pointe-au-Pic nous étions au paradis, le quai était notre terrain de jeu. Souvent on pêchait, quand on n’avait rien, on allait chez Chantal louer une canne en bambou à 2$, ça faisait vraiment old fashioned, tout à la main sans spinner, l’outil de prédilection du pêcheur moderne des années 70. Jouer à la cachette entre les rouleaux de papier de la Donohue était aussi une activité clandestine, mais excitante pour nous. Des événements spéciaux ont contribué à bâtir nos identités. L’ouverture sur le monde avec nos visites régulières à bord des bateaux russes (en fait ils étaient ukrainiens) et yougoslaves, l’arrivée du club de motards Les Popeyes de Montréal (Hell’s Angels) sur une goélette de bois et leur razzia dans Pointe-au-Pic. Le bœuf de Bobby Hull arrivé en train pour être chargé sur un bateau. La roulotte à Ti-Ken et nos casseaux de frites entre deux éperlans. Une pêche miraculeuse lorsque des milliers de poissons se sont retrouvés coincés entre un bateau grec et le pont de débarquement et plus encore. Que d’aventures pour de jeunes adolescents sur ce quai et je préfère vous faire grâce des activités que nous y faisions comme jeunes adultes, cependant je peux dire en faire qu’en fin de soirée sur le bout du quai au AM on captait des postes de radio jusqu’à New York et nous aimions ouvrir cette fenêtre vers l’Amérique et avoir l’impression d’avoir accès à l’univers.



Tout ça étant passé depuis 40 ans, il y une nouvelle réalité. L’organisme Guepe qui anime nos milieux depuis quelques années a remis une activité de pêche à l’ordre du jour. On voyait déjà quelques nostalgiques tenter leur chance avec un taux de succès inconnu. Le 6 juillet, je suis tombé sur de jeunes pêcheurs dans un groupe de Guepe. Les appâts sont maintenant en plastique imitant les yeux d’éperlans que nous prélevions sur nos prises et les vers. Tout à coup, un jeune homme a une prise et ça tire où point où on le pense pris au fond, mais non ça remonte et tout à coup ça sort de l’eau. Un crapaud de mer!!! Ça faisait 40 ans que je n’en avais pas vu. Le jeune pêcheur est fier de sa prise même si elle ne se mange pas. Il prend du temps de la remettre à l’eau et nous craignons pour sa santé de poisson. Heureusement, il semble rejoindre le fond où il a encore du ménage à faire, eux aussi sont en pénurie de personnel.



En ce moment, ça bouge beaucoup parce qu’on enroche la jetée qui elle aussi a subi les assauts de la mer et brisé ses tirants. L’enrochement partiel de l’ouvrage réglera le problème du moins pour un temps, car le réchauffement climatique guette. Par contre au quai, c’est l’air climatisé naturelle si chère aux Américains des années 30.


Nous avons retrouvé notre quai, on peut y relaxer, y manger, y pêcher et même danser. Je pensais ne jamais vivre ça de mon vivant. Je me suis trompé, merci Mon Dieu.



Texte: Claude Harvey

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