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Il se remet à flot après connu les bas fond, l'histoire d'Alain Dufour

La Malbaie

Mar. 15 juin 2021 8 minutes

Il se remet à flot après connu les bas fond, l'histoire d'Alain Dufour
Il se remet à flot après connu les bas fond, l'histoire d'Alain Dufour

Il y a quelques semaines, j'ai fait le portrait du propriétaire de la
pizzéria du poste à La Malbaie, Marc Dufour. Ce dernier nous avait démontré
l'étendue de ses intérêts et de ses talents dans une approche spirituelle. Il
nous avait parlé très brièvement de son frère pour qui il était revenu à La
Malbaie alors qu'il connaissait de graves difficultés. Voici l'histoire d'Alain
Dufour et je peux vous dire d'avance que ça se termine bien.


Alain a vu le jour à Cap-à-l ‘Aigle sur la ferme familiale qui comprenait un
abattoir polyvalent et qui faisait vivre 2 familles, celles d'Adolphe et Noël
Dufour, le père de notre personnalité. Sa mère, Suzanne Bergeron, était
originaire du Bas de l'Anse. Le dimanche, Alain et les 3 plus jeunes enfants
embarquaient dans le char du grand-père pour aller faire un tour de machine et
visiter la parenté où ils avaient accès à des chips et de la liqueur. Tout
allait bien dans les deux maisonnées avec les 15 enfants, ils n'avaient pas besoin
de terrain de jeu ou de camp d'été. De toute façon, il fallait faire boucherie
et travailler à la ferme à un jeune âge. Il a débuté l'école à Place l'Aiglon à
Cap-à-l ‘Aigle avant de transférer à La Malbaie. En 1974, la vie d'Alain et
celle de sa famille a pris un certain tournant. Son cousin Bernard a perdu la
vie dans un accident de moto à l'Anse Saint-Jean. Il était pressenti comme le
successeur de la gestion de la ferme familiale, car il était très talentueux et
travaillant. Les deux familles étaient en état de choc et plus particulièrement
Alain car il avait idéalisé son cousin et son frère et tentaient de suivre
leurs traces. Cet événement a marqué le début de sa déchéance comme il le dit lui-même.





À 13 ans, il a commencé à consommer de l'alcool et il ne s'est pas arrêté avant
l'âge de 25 ans. Il se décrit comme un extrémiste dans le sens où il ne fait
jamais les choses à moitié et ce fut le cas avec l'alcool. Très tôt, il a
commencé à consommer le matin car on lui avait dit que c'était une façon de se
remettre de la veille. Il buvait donc du matin au soir. Il s'est retrouvé isolé
avec son problème où il rencontre Le Dur (nom fictif) qui partageait sa
démesure alcoolique. Il s'est rebellé contre le travail à la ferme jugeant le
salaire de 30$ par semaine pas assez élevé ni suffisant pour payer sa bière.
Sur la brosse, il est parti pour Chibougamau pour travailler au Chantier
Chibougamau. Comme il dit, il n'était pas équipé pour partir de la maison
familiale, il y est quand même resté 9 mois toujours au bord de la
déchéance. En 1976, se sentant incompris il tente de se suicider avec une
arme à feu de ce qu'il qualifie de première tentative de suicide (il y en aura
probablement d'autres). Pour lui, c'était un cri de désespoir, un appel à
l'aide. La communication dans la famille était difficile malgré tout l'amour de
ses parents et de ses frères et sœurs. Voulant imiter son frère plus
vieux, il s'est acheté une moto, qu'il conduisait constamment saoul jusqu'à ce
qu'il se plante solidement et heureusement sans blessure. Comme il l'avoue, il
était devenu une épave, constamment en état d'ébriété et ne sachant pas comment
s'en sortir. À 21 ans, il a fait une première désintoxication à l'Hôpital. Il
s'est enfui et est parti à Montréal sur le pouce pour reprendre sa vie
d'alcoolique. Au bout du rouleau, au fond du trou, il accepte de recevoir dans
sa chambre dont il ne sortait presque plus, deux membres des AA, Roger M. et
Régent B. Il a réussi à être 3 mois sans boire. Lors d'un congrès des AA à
Rimouski, il s'est de nouveau enfui et s'est retrouvé dans un bar érotique.
Premier essai raté.


Il a essayé de nouveau la cure géographique en partant en Alberta
impulsivement avec un chum. Il est devenu une épave, rejeté de tous, il était
un cas de psychiatrie mais ce type d'aide était beaucoup moins accessible au
début des années 80. Il est resté 7 mois à Calgary. Il a également d'importants
problèmes de surdité qui contribuaient à son isolement. En 1982, il est revenu
au Québec et quelque chose s'est présenté sur son chemin qui a allumé une toute
petite étincelle de reconquête de l'estime de soi.


Depuis qu'il est tout jeune, Alain s'intéressait aux bateaux. Bruno Savard
de Cap-à-l ‘Aigle est propriétaire du Feu Follet et Alain qui prenait sa bière
sur le quai de Cap-à-l ‘Aigle le voyait travailler. De fil en aiguille, il
s'est mis à l'aider bénévolement et cette activité a aidé Alain à renaître à sa
vie. De voir qu'il pouvait faire quelque chose qui le passionnait lui fit réalisé que tout n'était pas perdu. Mais la consommation s'est poursuivie. Touchant du
chômage, il signait son chèque et le remettait en entier au dépanneur de Cap-à-l
‘Aigle qui avait fait marquer tout le mois. Le Feu Follet fut remis à l'eau en
1984 et pas longtemps après il est de retour au fond du trou. Il est retourné
chez les AA et reste abstinent pendant 9 mois avant une dernière rechute.
Régent B. qui l'avait visité quelques années plus tôt l'a aidé à reprendre pied dans la vie en le conscientisant à l'importance de l'hygiène et en le
sensibilisant à son problème de surdité. Il a pris action sur les aspects chez
le dentiste et l'audiologiste. Il porte des appareils auditifs depuis ce temps.
En juillet 1985, il a pris sa dernière consommation alcoolique. Je crois que
l'adage qui dit ''Il n'y a pas de cas désespérés, il n'y a que des cas
désespérants'' pouvait s'appliquer pour Alain


Une nouvelle vie


En 1985, il s'est inscrit à un cours de cuisinier de navire à Québec. Ayant
décidé de prendre ça sans se stresser, son professeur lui a dit qu'il allait
vers l'échec. Il a complètement changé son attitude, a impressionné tout le
monde et a terminé premier de classe. Une autre bonne chose pour son estime de
soi.


Son premier stage était à Halifax, ce qui devait durer 2 semaines dura 2
mois uniquement en anglais. Il n'avait jamais vu l'océan de sa vie, pensant
toujours qu'il était derrière les montagnes de la rive sud, c'était comme un
rêve d'enfance et le summum tout ça sur un bateau. À 60$ US par jour et la
possibilité de faire le tour du monde, c'était presque un rêve.


Malgré tout, il est revenu pour travailler comme porteur banquet au Manoir
Richelieu, emploi qu'il a beaucoup aimé. C'était au temps de Malenfant et il
faisait parfois des 30 heures en ligne ce qui nourrissait l'extrémiste en lui.
On l'a rappelé pour aller sur les bateaux comme 2è cuisinier sur un gros
cargo. Il est devenu chef Cook assez rapidement. Il a fait plusieurs séjours en
mer de 3 à 4 mois mais mentalement, il n'est pas encore très fort. Il a décidé
d'aller voir ailleurs et il est accepté au certificat en toxicomanie de
l'Université de Sherbrooke. Qui aurait cru voir Alain Dufour à l'université,
seulement quelques années plus tôt?


Il voulait sortir les AA des centres d'achats où plusieurs passaient toutes
leurs journées et ils rêvaient d'un lieu où ils pourraient se retrouver dans un
certain anonymat et à l'abri du jugement des autres. Il a créé le projet de
Ressources Genesis pour l'aide aux alcooliques et toxicomanes. Il était en
couple avec une dépendante avec des enfants et ça en faisait trop pour lui, son
couple se disloquait et rien n'allait plus avec son propre projet. À l'époque
il avait 30 ans. Il a découvert sa dépendance affective et il s'est autoexclus
de l'organisme qu'il avait créé. Il était dépassé par trop d'événements. Il a
commis de grosses erreurs qu'il reconnaît aujourd'hui, Il a tenté de se faire
embaucher à l'Auberivière mais a vécu une déception qui l'a amené à ne pas
persévérer dans le domaine de la toxicomanie.


Il est retourné sur les bateaux et un accident de travail l'a tenu arrêté un
certain temps. Il a tenté de faire valoir ses droits envers le Groupe Desgagnés
mais il s'est retrouvé sur une liste noire. À parti de l'an 2000, il est devenu
cuisinier marin à plein temps c'est-à-dire 30 jours en mer, 30 jours à terre.
Les territoires du Nord-Ouest, la mer de Beaufort, le fleuve McKenzie, le grand
lac des Esclaves, les 5 grands lacs du Canada sont les destinations des bateaux
où Alain est cuisinier. Présentement, il travaille pour la compagnie Algoma et
il fait du Halifax-Sault-Sainte-Marie-Sarnia-Nanticoke-Halifax. Il est seul
cuisinier pour nourrir une douzaine de personnes,



Avec 36 de sobriété,
Alain mène une vie plus tranquille. Sa conjointe est la fille du célèbre
politicien créditiste Camil Samson. Ils recueillent des animaux abandonnés ce
qui fait qu'ils ont 3 chiens et on déjà eu jusqu'à 6 chats. Le parcours d'Alain
démontre que peu importe le niveau de déchéance qu'on peut atteindre, on peut
s'en sortir, surtout pour les jeunes.


Un bon membre AA de
Baie-Saint-Paul disait toujours que la Labatt l'a battu et bien Alain, lui, il
a battu la Labatt.










 

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