Tchin tchin! | Rimes et Millésime | Le vin et le prix du vin
Jeu. 11 juillet 2024 4 minutes
Par Louis Brisson
Je mets les choses au clair dès le départ. Je ne compte pas faire ici le procès de notre société d’état. Du prix que l’on paie au Québec face aux autres provinces ou encore dans les pays étrangers. Le sujet a été ressassé à maintes reprises, ne réglant en rien le fossé qui existe entre les partisans du model québécois et leurs détracteurs.
Non, l’exercice est plutôt d’initier une réflexion sur les différents paramètres qui font qu’on peut payer certaines bouteilles autour de 10$, tandis que d’autres s’envolent vers des prix vertigineux qui n’ont comme limites que la profondeur des poches des collectionneurs.
On peut diviser ces paramètres en deux groupes.
D’un côté, il y a les facteurs objectifs. Ou encore quantifiables. Dans cette famille, il y a un lien direct entre la multitude de choix qui s’impose au vigneron tout au long de la création et la facture qu’il reçoit à la fin du mois.
Je vous propose un petit jeu. Imaginez que vous vous tenez devant un champ vierge avec une bouteille de vin dans les mains. Essayez de visualisez toutes les étapes nécessaires du trajet entre le point A, un champ en jachère, jusqu’au point B, le produit fini entre vos mains.
Toutes ces étapes ont un coût. On peut donc les additionner et établir de manière objective le prix de départ sous lequel un producteur ne peut vendre son vin. Pendant ce processus, les grosses corporations peuvent réaliser évidement des économies d’échelle, ce qui expliquent des prix parfois ridiculement bas.
Ensuite, on entre dans le domaine du subjectif. Le domaine des émotions et de l’irrationnel. C’est ici que les choses deviennent intéressantes.
Je n’achète pas une toile de mon peintre préféré en fonction du nombre de tubes de gouache qu’il a dû se procurer pour réaliser celle-ci. Ce qui guide mon choix transcende le quantifiable.
Ici encore, une multitude de facteurs entre en jeu. Ceux qui sont individuels: mes goûts, mes intérêts; ce qui me fait vibrer. Et ceux collectifs: renommé, spéculation; le jeu de l’offre et de la demande.
Bien, une fois que ceci est dit, comment s’y retrouver entre le vin et le juste prix du vin? Malheureusement, en fonction des variables que je viens d’énoncer, je n’ai pas de chiffre magique à vous révéler. On peut cependant retenir qu’il y a souvent une énorme différence qualitative entre une bouteille de 10$ et une autre de 20$. Cette différence, encore notable, tend à s’amoindrir entre une bouteille de 20$ et celle de 30$. Et ainsi de suite.
Plus on avance dans cette gradation, plus on vous vend du rêve. Des émotions.
Ainsi, le monde du vin en devient un de passionné et de collectionneur. Se payer un Montrachet devient un privilège où le rapport qualité/prix est difficilement justifiable.
Le cœur a ses raisons que la raison ne saurait entendre.
Recommandations estivales
L'Espagne regorge de rapport qualité-prix excellent et le Clos-Mont Blanc en est l'exemple parfait. Le cépage macabeo (ou viura), qui s'apparente légèrement au sauvignon blanc, est jumelé ici au traditionnel chardonnay afin de nous fournir un vin plutôt en fraicheur. Dans cette strate de prix, il ne faut pas s'attendre à des vins époustouflants, mais le Clos Mont-blanc tire quand même son épingle du jeu. Je le vois très bien servi avec une salade estivale de crevettes agrémentée de mangues fraîches et d'une touche de basilic. Code SAQ: 13565422. 13,65$
Comme chaque été au Québec, une floppée de nouveaux rosés arrivent sur nos tablettes en même temps que le beau temps. J'ai été grandement surpris par la cuvée Alderac qui nous propose un pinot noir du sud de la France sous la barre des 10$. Bien sûr, nous sommes loin de la formule du petit vigneron artisan. Le groupe Uccoar qui est derrière ce rosé est d'ailleurs une des plus grosses coopératives de production de l'Hexagone. Malgré tout, le résultat est net, équilibré et sans fausse note. Le petit rosé d'été parfait quand le nombre de convives est plus important que prévu... Code SAQ: 15210369. 9,65$
Il y a une quinzaine d’années, je snobais injustement les vins du beaujolais et levais le nez sur ceux-ci lorsque l’on m’en proposait un verre. Le morgon de Dominique Piron m’a ramené sur le droit chemin. Encore aujourd’hui, il est pour moi une référence dans cette appellation. Un nez éclatant: cerise et framboises fraiches, de la pivoine avec même une touche légèrement poivrée. La bouche est juteuse comme on s’attend d’un gamay de cette région avec cependant juste ce qu’il faut d’astringence pour le rendre plus sérieux et polyvalent à table. D’ailleurs, pourquoi ne pas ouvrir ce dernier avec des poitrines de poulet cuites sur le grill accompagnées d’une salsa de fraises et jalapenos? Code SAQ: 10272966. 22.95$
