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Une photo une histoire | La rivière du Gouffre

Baie-Saint-Paul, Charlevoix

Dim. 17 septembre 2023 2 minutes

Par Christian Harvey

De Lery
De Lery

Les berges de la rivière du Gouffre à Baie-Saint-Paul

Cette semaine, au lieu d’une photo, une carte. Celle de l’ingénieur Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry (1682-1756) dessinée en 1739. Dans le secteur actuel du quai, à l’embouchure de la rivière du Gouffre, on remarque une sorte de « gros nez ».

Localisation
Localisation

Cette forme est visible sur les cartes subséquentes de Jean-Baptiste Decouagne (1749) et de Jacques-Nicolas Bellin (1761). Une fois le cours de la rivière du Gouffre ayant pris sa forme actuelle, après le tremblement de terre de 1663, les sédiments transportés ont probablement forgé cette forme de terrain ressemblant à un tombolo, une sorte de langue de sédiments s’avançant dans la baie.

Les cartes du 19e siècle, notamment celle de Joseph Bouchette (1815), pourraient laisser croire que cette langue de sédiments a été emportée par l’érosion pour donner à cette partie du littoral de Baie-Saint-Paul sa forme relativement droite entre le quai actuel et la rivière du Goudronnier sur le flanc ouest de la vallée. Pourtant, il n’en est rien. L’examen minutieux de la carte montre plutôt une progression vers le large des berges bordant la baie sur une distance d’environ 700 m entre le milieu du 18e et le début du 19e siècle créant, du coup, le secteur du boisé du quai.

En effet, la carte de Chaussegros de Léry prouve qu’à marée haute, les eaux remontaient en 1739 jusqu’à la hauteur des deux moulins situés sur la rivière du Moulin et que les petites embarcations ayant quitté le vaisseau dans la baie, remontaient là jusqu’au « mouillage des barques ». Cette information est reprise sur les cartes de Decouagne et de Bellin.

La consultation de la retranscription des actes notariés datés de 1728 des lots de la concession du fonds et d’une carte de la seigneurie de Beaupré en 1750, confirment pourtant l’information de Chaussegros de Léry. La limite sud-ouest des terres de ce rang était formée, comme le note Raymond Gariépy, par « la clôture de la grève » qui était érigée à la limite des marées hautes de la baie à cette époque. La ligne de chemin de fer, qui a été construite à partir de 1910-1911 (travaux de nivellement du sol), longe en partie la zone délimitée par cette clôture de la grève.

Vue aerienne 1739
Vue aerienne 1739

Entre 1666 et le début du 19e siècle, la baie de Baie-Saint-Paul a ainsi connu une évolution très rapide du paysage. L’analyse des cartes montre qu’une langue de sédiments s’est d’abord formée dans la baie probablement à la suite de l’apport massif de sédiments charriés par la rivière du Gouffre après le tremblement de terre de 1663. Pour des raisons qui restent à éclaircir, la baie s’est ensuite envasée ou ensablée selon les secteurs, jusqu’à atteindre la ligne de rivage actuelle. Des travaux en cours effectués par l’Institut national de la recherche scientifique en collaboration avec la Commission géologique du Canada permettront de reconstituer avec plus de précision ces événements qui ont façonné la baie de Baie-Saint-Paul.

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