Personnalités du jour, Gens de Chez Nous

Personnalité du jour | Laurent Lafleur

Charlevoix

Mar. 14 octobre 2025 3 minutes

Par André Magny

Laurent Lafleur devant sa galerie
On ne peut pas manquer la galerie de Laurent Lafleur au 200 de la rue Richelieu.
Crédit : André Magny
Laurent Lafleur devant sa galerie

Peindre un Charlevoix onirique

À 71 ans, le peintre Laurent Lafleur poursuit son œuvre singulière, marquée par une volonté farouche de se démarquer des courants dominants Charlevoisiens.

« Je suis le seul peintre qui fait des vraies scènes de Charlevoix », affirme-t-il. Pour lui, peindre la région ne se résume pas à reproduire un fleuve ou une montagne : « Ils mettent le ciel, une montagne, une cabane », en parlant de ses confrères. Il va chercher autre chose que ce que peuvent voir nos yeux.

Pourtant Laurent Lafleur revendique un ancrage profond dans son territoire. Ses fées, ses lutins ou ses anges côtoient des lieux précis, comme Pointe-au-Pic ou le rang Sainte-Mathilde.

Un univers fantastique et philosophique

Ce qui différencie l’ensemble des toiles signées Lafleur, c’est évidemment son univers fantastique, peuplé de lutins, de moines ou de scènes improbables. « Tu peux faire des scènes philosophiques, tu peux faire des scènes qui font réfléchir à toutes sortes d’affaires. Il y a même une scène scientifique là-dedans », en faisant référence à un tableau peint en 1998 dans lequel on voit Copernic s’adresser à ses copains, l’air de leur dire : « Désolé les amis, mais la Terre n’est pas le centre de l’univers ! »

Sous l’humour de certaines de ses toiles, se cache une critique de notre société. Quand des lutins se bidonnent devant un livre au titre péremptoire : L’homme cet être de raison, n’est-ce pas hautement d’actualité ? Ou lorsque ces mêmes lutins dessinent une scène archi convenue de Charlevoix, n’est-ce pas un clin d’œil satirique à ce qui se fait dans les galeries traditionnelles de Baie-St-Paul ou de La Malbaie ? D’ailleurs, l’artiste refuse la répétition des thèmes convenus en galerie : « Il n’y a plus presque personne qui fait des vrais paysages ou des scènes philosophiques, des scènes d’amour. » Pour lui, son approche est un acte de résistance créative : « Une galerie d’art, c’est comme McDonald’s. C’est toujours la même chose. » Son livre, L’univers fantastique de Laurent Lafleur, publié aux Éditions GID, donne un excellent aperçu de son travail ou plutôt de sa créativité.

Laurent Lafleur interieur galerie
: Il y a aussi des coins plus secrets de la boutique de Laurent Lafleur où sa créativité trouve refuge.
Crédit : André Magny
Laurent Lafleur interieur galerie

Une quête d’absolu

Derrière ses tableaux se cache une recherche spirituelle et existentielle. « À 15, 16, 17 ans, j’aurais dû fumer la cigarette, la drogue et courir après les filles. Je faisais de la méditation. J’étais dans un groupement spirituel. Pas religieux, mais je cherchais autre chose dans la vie. »

Cette quête se reflète dans ses œuvres, où la verticalité, les églises et le ciel traduisent « une aspiration » vers un ailleurs. Ses voyages, notamment à Paris, ont aussi marqué sa jeunesse et élargi son horizon artistique : « J’ai vu des affaires grandioses que je n’étais pas capable de peindre. Et là, je suis capable de fusionner ça. »

Des projets toujours en cours

Loin de se contenter de son passé, l’artiste Charlevoisien continue de travailler sur de nouvelles œuvres. « Là, à droite, c’est un château. Il est à moitié fait. Il faut que je le finisse. » D’ailleurs, lors de notre visite, un couple s’est montré très intéressé par celui-ci. Ce sera pour lui, assurément.

Son atelier de la rue Richelieu, non loin du Manoir, est rempli de toiles souvent terminées, attirant indéniablement notre regard. Parfois, elles sont entamées : « De temps en temps, j’essaie d’en finir. » Sa démarche échappe à toute logique marchande : « Tu fais ça pour le sport, parce que tu aimes peindre, tu aimes créer. »

Laurent Lafleur sait que son art ne correspond pas toujours aux attentes des galeries, mais il persiste. Ce qui demeure, c’est la passion intacte d’un créateur habité par l’envie de peindre autrement.

Les jours de brume, quand le fleuve est enseveli sous un linceul blanc, si vous voyez surgir un château volant, espèce de chasse-galerie nouveau genre, vous vous direz peut-être que vous rêvez. Allez donc plutôt demander au pinceau de Laurent Lafleur.

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